Préambule
Les importations massives de protéines de soja posent problème à l’Europe depuis des décennies. Il ne peut pas y avoir de sol sain sans un bon équilibre entre protéagineux (qui captent l’azote de l’air pour les restituer aux sols) – céréales et protéagineux sont indissociables. Sans un sol sain porteur de cultures variées et complémentaires, pas de santé possible pour les plantes, les animaux et les hommes qui s’en nourrissent. Sans ces équilibres patiemment construits, pas de santé possible pour la planète non plus.
Ce n’est pas un constat récent. Le premier plan de relance des protéagineux métropolitains date déjà des années 1960 !
Mais pas grand-chose ne s’est passé depuis. Le système terriblement déséquilibré des monocultures céréalières a nourri les déficits commerciaux, les ventes d’engrais, d’additifs, et de médicaments. Il a appauvri les sols et les économies locales.
En France, sur 14 millions d’hectares cultivés, le maïs et le blé en occupent 8,5 millions, les 7 principales cultures (maïs-blé-orge-betterave-pomme de terre-colza-tournesol) occupent 91% des sols et aucune d’entre elle n’est un protéagineux.
Le Lupin, plante symbole
Le Lupin fut la ressource légendaire en protéines des civilisations qui nous ont précédé : la Grèce, l’Egypte, Rome et l’Amérique pré-colombienne.
Avec 450 espèces à la surface du globe, soit des milliers de variétés adaptées à toutes les situations et climats : des plaines arides du Soudan, où la mémoire collective a oublié celle qu’on appelait « la Fève d’Egypte » aux sommets escarpés de l’Altiplano où elle nourrit encore des milliers d’enfants chaque jour dans les cantines scolaires (Chili), et en Europe ou elle fit, au 19 ème siècle, la fortune des producteurs de laine « Mérinos de Saxe » en nourrissant les moutons sur les plaines ingrates du nord de la Baltique, en Allemagne,
ou sur le pourtour méditerranéen comme ressource alimentaire privilégiée des Romains, elle couvraient des contrées immenses dont elle améliorait les sols ingrats, ce qui n’est pas la moindre de ses performances.
Aujourd’hui cette plante mythique a pratiquement disparu des territoires où elle perpétuait ses bienfaits, et depuis un demi-siècle, la France et l’Europe toute entière sont dépendantes à près de 80% des importations de soja américain pour la nourriture de leurs élevages.
Situation aussi extravagante que préjudiciable à l’équilibre de nos économies et à l’équilibre des écosystèmes qui se dégradent par l’emploi des engrais artificiels, alors qu’un précédent cultural de Lupin peut laisser 250 kg d’azote naturel à l’hectare, Tout en produisant 2 à 3 tonnes / ha. de graines riches en protéines pour l’alimentation humaine ou animale…
Cela paraît à peine croyable qu’on ait pu éradiquer des territoires et des mémoires humaines une plante aussi bénéfique, au point qu’on ne trouve presque plus de graines du Lupin jaune sur une grande partie de l’Europe, sauf dans les pays de l’Est.
Voilà le débat que je propose avec des informations et des références pour convaincre les et les élus de s’intéresser à la réhabilitation de la plante la plus riche en protéines de la flore mondiale.
Philippe DESBROSSES
Agriculteur – Docteur en Sciences de l’Environnement.
Co-auteur du livre LE LUPIN en 1983, avec le Ministre Hongrois de l’Agriculture.
P.J. la Résolution récente du 17 avril 2018 votée par le Parlement Européen en faveur des cultures à protéines.